Dialogue (enfin, presque...)
Les couloirs du métro en sont couverts, de ces affiches. Partout.
Il faut reconnaître que les protagonistes sont plutôt agréables à regarder... Et que ça sent la bonne vieille comédie romantique bien légère, et que ce matin ça me fait sourire...
C'est en remontant à la surface, sous un soleil éclatant, que je souris en me disant "épices"... Oui, c'est ça, le goût de la vie, pour moi... J'en rajoute toujours plein, partout, tout le temps. En même temps, pas de risque de faute de goût dans le mélange avec l'inexistant pot-au-feu familial, alors je peux continuer à les aimer.
Alors que j'attends tranquillement sous le feu des UV, je Lui suis presque reconnaissante d'être parti ce matin... Je serais encore sans doute dans le fond de mon lit, et j'aurais raté aujourd'hui ce spectacle de la vie qui coule doucement dans la fourmilière parisienne.
Et vient l'heure des retrouvailles. La dernière fois, c'était il y a plus de trois ans. Et malgré nos différences culturelles, sociales, politiques et linguistiques, c'est mon plus vieil ami. Quinze ans que ça dure. C'est inédit pour moi. Et à chaque fois, c'est comme si on s'était quittés la veille. Ou presque.
Nos situations professionnelles, on les connaît. Nos situations familiales n'ont pas subi de grands changements et on en a vite fait le tour, qui se termine par un mutuel "tu les embrasseras pour moi".
Nos aventures, maintenant. Le cul.
Il se marre quand je lui raconte mon époque forum, les estimations chiffrées, les situations vécues. Et, pointant sa fourchette vers moi :
- Mais en fait, tu as beau vouloir être détachée, presque clinique quand tu en parles, au fond de toi, tu crois toujours à l'amour. Don't you ?
- .........................
(Pfffff, tu me saoules, toi, à si bien me connaître...)
Alors, justement, vient le tour de ce qui est, encore et toujours, le centre de nos préoccupations : l'Amuuuuuuuuuuuur, l'Autre...
J'ai tiré la première, il me parle longuement de sa Sophie, il est amoureux mais c'est une chieuse, qui ne pense qu'à revenir en France quand lui renâcle à lâcher ses revenus, son loft près de Central Park, son boulot et ses amis (dans l'ordre, siouplé !). Alors qu'elle ne travaille pas et qu'elle a la vie belle dans le New-York branchouille que ses revenus, justement, leur permettent de fréquenter allègrement. Je glisse un sourire, je ne vais pas faire de commentaire maintenant, oh non, ça serait trop bête de gâcher le moment... Il me dit les ultimatums qu'elle lui pose, les crises d'hystérie, et les valises qui finissent toujours par se vider...
- Et toi, alors, your man ?
(... Merde, c'est à moi, là...)
- Euh, ben voilà, il est parti ce matin, et là maintenant tout de suite je ne sais pas quoi penser. Je peux changer d'avis demain, mais voilà, quoi... J'ai des doutes, je ne demande qu'à être rassurée, un tout petit peu, mais voilà... Enfin, on verra !
- Eh ben dis donc, ça a été rapide ! Qu'est-ce que tu as encore fait pour le faire fuir aussi vite, celui-là ?
- ...................................
(Connard, va ! Tu crois pas que je me pose assez la question ?)
Je sors un sourire d'un jaune éblouissant, et remercie mentalement l'inventeur des lunettes de soleil. Sa caresse taquine sur ma joue a du mal à faire passer la boule dans ma gorge.
- C'est vrai qu'il y a une différence, dans ta façon d'en parler... Mais hey, tu devais t'y attendre, for god's sake, vu la situation, what could you expect ?
- ..............................
(Dis, ducon, ça va aller, là, maintenant, hein, si tu crois que je me le suis pas répété tous les jours... Et pis en plus, j'attendais rien, juste pas déjà, pas maintenant...)
- ...............................
- En fait, tu n'as toujours pas appris à accepter la mise à distance, have you ?
- ..............................
Je hausse les épaules et souris... Décidément le jaune me va bien, aujourd'hui...
(Vas-y connard, rajoutes-en... Tu as raison, of course, mais si je te parle d'épices, là, tu risques de ne pas vraiment comprendre...)
- ...........................
- Tu me fais rire, tu sais, derrière tes lunettes de soleil, à essayer de cacher ta sensibilité. Shit, c'est pour ça qu'on t'aime !
- ................................
(Dis, t'as décidé de me faire chiâler, là, ou quoi ? Ducon ! Si j'avais su...)
- Et alors, tu vas faire quoi ?
- ...............................
(ah bon, parce que maintenant, en plus, il faut que je fasse quelque chose ?)
- Et toi, tu vas faire quoi, avec ta Sophie ?
(Et toc ! ça, j'y arrive bien !)
- Well, j'imagine que dans un an je l'épouse... Après tout, je veux fonder une famille, et le temps passe, ma belle, tu le sais !!
- ...................... !!
Quelques hugs chaleureux plus tard, le soleil cogne toujours aussi fort quand quand je redescends dans les souterrains, et les affiches sont toujours aussi présentes. Mais là, elles m'emmerdent.
Finalement, j'aurais préféré rester dans le fond de mon lit. Avec Lui.