Conditionnel passé
J'aurais dit la chaleur de ton épaule contre la mienne.
J'aurais sans doute commencé par planter le décor, décrit mon appartement, les verres, la noix de jambon et les fromages dans leurs emballages colorés. J'aurais dit mon réel étonnement quand tu as fait un commentaire sur l'heure qu'il était déjà...
J'aurais parlé de cette douche que tu as décidé de prendre, contre toute attente, de mon sourire amusé en réalisant que tu allais vraiment le faire. Ton corps nu au milieu du salon, je n'aurais pas pu le décrire, tellement concentrée -et reconnaissante de l'être- que j'étais sur ma recherche de serviette pour toi. J'aurais pu en revanche parler de mon souffle qui s'est accéléré quand tu t'es glissé près de moi pour passer, et de cette envie que j'avais de te sentir contre moi.
J'aurais parlé de mon affairement alors que l'eau coulait, de celle que j'ai bue pour me rafraîchir autant que pour reprendre mes esprits, pour ne pas me laisser aller à imaginer ce qui ne se produirait peut-être pas... L'insertion du DVD que tu as gravé et que tu voulais regarder... Ton sourire amusé quand tu es sorti, une serviette autour de la taille...
J'aurais dit ces moments surréalistes, sur mon canapé, en plein milieu de la nuit, devant des corps nus et gémissant et jouissant. J'aurais dit ma certitude, à ce moment-là, que je devrais revoir Shortbus dans un autre contexte...
J'aurais dit la chaleur de ton épaule contre la mienne. Et celle de ta main sur ma cuisse. Immobiles.
J'aurais dit la chaleur de ta peau sous la serviette, j'aurais dit que je n'osais pas bouger, et que je regardais sans voir. J'aurais écrit la boule de désir qui grossit dans mon ventre, sans oser aller chercher le tien. J'aurais décrit la douceur de tes cuisses, et celle de ta caresse sur mes bras.
J'aurais décrit ta chaleur, et ta présence contre la mienne.
Voilà.
Voilà sans doute ce que j'aurais écrit si tu ne m'avais pas embrassée.